Est-il possible d'utiliser une valeur en cryptomonnaie pour garantir un prêt auprès d'une institution financière ? Explorons une piste concrète pour y arriver dès aujourd'hui, même s'il faut s'attendre à des réticences de la part des banquiers. Cet état va évoluer rapidement vu le nombreuse de jeunes sociétés qui se lancent sur ce marché (voir le tableau ci-dessous).
La première cryptomonnaie (Bitcoin) existe depuis janvier 2009, il y a bientôt 10 ans, au cours de cette décade les concepts de base ont été améliorés et la recherche continue a être très active dans ce domaine. En juin 2018, la masse monétaire de l'ensemble des cryptomonnaies dépasse les 200 milliards d'euros (https://coinmarketcap.com/fr/) et a même dépassé les 400 milliards d'euros en décembre 2017. La volatilité des cryptomonnaies doit évidemment être pleinement prise en compte si on veut parler de garantie pour obtenir un prêt.
D'emblée l'idée d'utiliser pleinement la technologie des Smart Contracts parait intéressante. C'est l'approche utilisée par de nombreuses startups telles que SALT (https://www.saltlending.com), CoinLoan (https://coinloan.io/) ou encore ETHLend (https://ethlend.io/en/). Cependant en juin 2018 la maturité manque encore à trois niveaux. Premièrement, il reste compliqué d'écrire des Smart Contracts exempts d'erreur informatique, la sécurité du code est encore difficilement assurée (voir les vulnérabilités découvertes dans The DAO en juin 2016). Deuxièmement, il y a des aspects internationaux et les légalisations ne permettent pas de gérer complètement les Smart Contracts. Et enfin, les mentalités ne sont pas encore prêtes, la confiance prend du temps et les cryptomonnaies continuent à diabolisées par ceux qui se voient concurrencé par elles.
Envisageons une approche sans Smart Contract, moins technologique mais réalisable dès aujourd'hui. Et n'oublions pas que dans le domaine des cryptomonnaies, démarrer en avance peut devenir très rémunérateur.
En Belgique, depuis janvier 2018, un registre des gages a été mis en ligne (https://finances.belgium.be/fr/E-services/registre-des-gages). La procédure se fait totalement en ligne et les lois belges encadrent ces mises en gage.
En France, le même mécanisme existe (https://www.cngtc.fr/fr/fichier-national-des-inscriptions-des-gages-sans-depossession.html).
L'idée est de mettre en gage un compte de cryptomonnaie d'une valeur monétaire supérieure au prêt consenti par la banque.
Une convention de gage est signée entre la banque et l'emprunteur, elle définit le bien grevé (le compte de cryptomonnaie), les conditions de remboursement et comment la réalisation (ou attribution du gage) sera effectuée.
En cas de défaut de l'emprunteur, la convention peut simplement prévoir un transfert de la cryptomonnaie vers le créancier gagiste. Une simple transaction vers un compte en cryptomonnaie préalablement défini par le créancier est une solution immédiate. Si le créancier ne veut, ou ne peut, gérer ces actifs alors la vente de cryptomonnaie par l'emprunteur doit être prévue.
A noter les avantages de la mise en gage d'un compte en cryptomonnaie comparés aux autres types de gage :
- Le créancier peut vérifier en continu la présence et la valeur réelle du gage.
- La cryptomonnaie est un bien divisible, fongible et instantanément transférable.
- Le gage peut être plus facilement vendu qu'un bien matériel ou même que des titres étant donné l'ouverture en continu des plateformes d'échange de cryptomonnaie.
Ces avantages assurent une totale flexibilité du gage et autorise par exemple l'adaptation en continu de la valeur gagée en fonction du capital restant à garantir. Un remboursement mensuel peut permettre au débiteur (par convention) de libérer un montant proportionnel en cryptomonnaie. A l'inverse, en cas de dépréciation du gage (instantanément connue des deux parties), le débiteur pourrait alimenter le compte gagé ou être obligé de vendre (ou transférer) une partie du gage au profit du créancier afin de restaurer le niveau de garantie convenu.
Reste à faire l'analyse de risque du point de vue du créancier et en particulier pour se prémunir de la volatilité des cryptomonnaies. Le gage doit avoir une valeur supérieure au prêt consenti, un montant deux fois supérieur est souvent recommandé (par exemple par Nebeus ou aussi par MoneyToken) et résulte d'une analyse rétrospective des variations du cours du bitcoin. Avec un gage de valeur trois fois supérieure au prêt, le risque de garantie insuffisante devient négligeable.
La mise en gage de cryptomonnaie est très intéressante pour l'emprunteur vu la valorisation qui ne fait que croître annuellement. Les deux indices suivants en témoignent.
Le 2 juin 2018, l'indice MVIS affiche une performance pour le bitcoin de plus de 3.900% sur 3 ans. Et l'indice de l'ether affiche une performance de 48.200% depuis sa création (août 2015).
Du point de vue des institutions financières, une analyse de risque sérieuse reste à établir. Comme éléments favorables nous avons :
- La législation encadrant les gages et leurs enregistrements
- La transparence et la flexibilité liées aux gages en cryptomonnaie
- La couverture totale du risque financier et la liquidation aisée du gage : pas de risque de défaut à couvrir.
Comme éléments défavorables :
- La nouveauté et la barrière des réticences naturelles
- La volatilité des cryptomonnaies
- La législation floue liée aux cryptomonnaies
Face à ces éléments, on peut se demander si les banques vont s'intéresser à ce marché, et si oui comment la banque va-elle adapter son processus de vérification de solvabilité de l'emprunteur ? Et qu'en sera-t-il du taux d'intérêt ?
De multiple propositions fleurissent sur Internet pour obtenir des prêts moyennant la mise en garantie de cryptomonnaies. Toutes ces startups doivent passer par trois étapes que les institutions financières ont déjà franchies.
- Leur financement : réalisé par une ICO (Initial Coin Offering) et/ou par adossement à une banque
- Établir un processus KYC (Know You Customer)
- Obtenir les licences des autorités de chaque état
Ces 3 étapes qui constituent une barrière coûteuse que les startups ont passé ou entreprennent de passer dans quelques mois.
Liste des sociétés actives dans les emprunts garantis par des actifs en cryptomonnaie :
Statuts (juin 2018) | Marchés | Taux | Remarques | |
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SALT | Actif | Nouvelle-Zélande, Grande-Bretagne, USA (partiellement) | Défini par le réseau des prêteurs accrédités par la plateforme | Nécessité de devenir membre via le jeton SLT (ERC-20) : ~250 M$. |
CoinLoan | ICO clôturé, ouverture annoncée en Q3 2018 | Europe en 2018, Asie plus tard | Défini par le réseau des prêteurs accrédités par la plateforme | Frais payés via le jeton CTL (ERC-20) et commissions laissées par les prêteurs (10%). |
ETHLend | Actif pour les jetons, obtention des licences en cours pour les prêts en euro | Europe (pour les prêts en euro) | Voir les offres et demandes sur la plateforme | Jeton LEND : ~60 M$. |
Nebeus | En développement | Europe ? | 20%, réductions via l'utilisation des jetons | Offre d'autres services bancaires |
MoneyToken | ICO en juin 2018, développements en cours. Aboutissement annoncé en Q4 2019 | Europe et Asie ? | 10% à 15% | Basé sur un jeton stable MTC (ERC-20). |
Nexo | Partiellement actif, prêts en euro annoncés en juin 2018, aboutissement en Q2 2019 | Europe / Monde | 16%, réductions via l'utilisation des jetons NEXO | Carte de crédit prévue. Jeton NEXO (ERC-20) : ~179 M$. |
Everex | Actif, micro-financement | Russie, Thaïland, Birmanie | ? | Application Android et bientôt iOS. Jeton EVX (ERC-20) : ~27 M$. |
Celsius | ICO clôturé en mars 2018, aboutissement en 2019 | ? | <10% | Basé sur le jeton CEL (ERC-20). |
RCN Global Lending | ICO clôturé en décembre 2017, pas de feuille de route. | ? | ? | Jeton RCN (ERC-20) : ~90 M$. |
Unchained Capital | Actif (bitcoin) | USA (partiellement) | 12% à 18% |